Le livre d’Isaïe, Préface exégetique et notes

dans la nouvelle édition de la Bible de Lemaitre de Sacy, sous la direction de F. Damour, Ed. de Corlevour, 2017

Extrait:

Lecteurs d’Isaïe au 17è siècle et aujourd’hui

Lisant ici Isaïe dans la célèbre traduction de Lemaître de Sacy, qui depuis l’époque classique a accompagné tout spécialement les écrivains de notre patrimoine, nous ne pouvons cependant ignorer l’écart qui s’est creusé entre les traducteurs de Port-Royal et nous. Cette distance tient au vaste labeur qui, depuis plus de quatre siècles, a accru nos savoirs exégétiques et historiques. A l’évidence, ces connaissances ont opéré de sérieux déplacements, rendant sensible à l’existence vivante d’un texte – fut-il qualifié de « sacré » – qui renouvelle et approfondit son sens au fil des lectures qu’il suscite d’âge en âge. Ainsi, à la conviction que le livre d’Isaïe avait un seul auteur et qu’il avait été rédigé d’une seule coulée, s’est substituée désormais une saisie différenciée, qui identifie plusieurs grands ensembles impliquant une pluralité de voix, qui s’échelonnent sur plusieurs siècles, en résonance avec les bouleversements politiques et spirituels expérimentés par Israël. Un effet de la promotion moderne du souci de l’histoire aura été de restituer au sens littéral du texte – tel que celui-ci parlait dans son contexte d’origine – une présence et une densité inédites. Il est certain qu’il y a là un élément de clivage avec des lecteurs-traducteurs du 17è siècle, qui abordaient le livre en croyants, occupés avant tout à lire dans les mots de l’Ancien Testament la prophétie du Christ, sans s’attarder vraiment à la portée initiale du texte, avec la conviction réitérée dans les préfaces données aux divers livres bibliques que ceux-ci furent écrits moins pour les juifs que pour l’instruction future des chrétiens.